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La télémédecine en pratique – Interview du Dr Nicole JOUAN

29 octobre 2019
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Depuis l’entrée dans le droit commun de la tarification des actes de télémédecine (téléconsultation et téléexpertise) l’activité prend son envol. Le Dr Nicole JOUAN, dermatologue libérale, élue de l’URPS MLB et utilisatrice de la télémédecine dès ses débuts, nous parle de son expérience :

 

– Depuis quand avez-vous commencé à intégrer la télémédecine dans votre pratique ?

J’ai commencé à intégrer la télémédecine dans mon quotidien de manière très progressive. Au départ de manière expérimentale dans le cadre de l’URPS Médecins Libéraux de Bretagne. Puis, dans ma pratique depuis septembre 2018, date à laquelle la télémédecine est entrée dans le droit commun des pratiques médicales. Je pratique à la fois la téléconsultation et la téléexpertise. Intéressée par cette thématique, j’ai aussi suivi l’apparition et le développement d’outils techniques en échangeant régulièrement avec les fournisseurs sur nos attentes et sur l’évolution du cadre législatif.

 

Quels ont été les freins ou les difficultés rencontrés lorsque vous avez commencé cette pratique ?

Les principaux freins ont été de deux natures. Au départ, je dirai que c’était un frein plus institutionnel et organisationnel. Avant que la télémédecine n’entre dans le droit commun, c’était plus compliqué et beaucoup plus lourd avec un contrôle très important de l’ARS. Avec la définition du cadre légal de la télémédecine, ce frein s’est beaucoup amoindri et la pratique se fait de façon très fluide. Maintenant, le principal frein pour beaucoup d’entre nous est d’ordre technique. Pour la téléconsultation, c’est relativement facile. Il existe des plateformes très bien faites comme Apizee portée par le GCS E-santé ou encore Medaviz qui permettent de faire des téléconsultations très facilement.

Pour la téléexpertise c’est un peu plus difficile car il faut utiliser une messagerie sécurisée. Or, certains logiciels ou systèmes sécurisés ne permettent pas l’envoi de photos avec le message. Les photos peuvent également être trop volumineuses ce qui peut poser problème. C’est donc plus compliqué pour respecter le cadre légal et faire les cotations. Certaines plateformes ou applications maintenant le font comme Omnidoc ou Apiwebmail. En fait, il a fallu un peu plus de temps pour avoir les outils correspondant à nos attentes et nos besoins car avant ils n’existaient pas. Aujourd’hui, la télémédecine entraîne de nouvelles façons d’exercer qui demande des outils techniques adéquats. Les industriels ont pris ça en compte récemment et cela va se développer encore.

 

– Que répondriez-vous à un confrère qui souhaite faire de la télémédecine mais craint que ce soit trop compliqué, que ça demande trop de temps etc. ?

Je pense que le frein peut être psychologique. Beaucoup de mes confrères sont débordés et manquent de temps. Ils peuvent voir la télémédecine comme quelque chose de difficile à mettre dans leur organisation. Ils n’en voient donc pas l’utilité ou ne savent pas comment s’y prendre. Je pense qu’ils ont tort et que la télémédecine a un véritable intérêt aujourd’hui. Dans ma spécialité par exemple, la dermatologie, les délais pour avoir un rendez-vous sont de plus en plus longs et certains patients peuvent être découragés face à ce temps d’attente. La téléexpertise peut donc être un très bon moyen de « trier » les patients et de diriger en dermato les patients en ayant vraiment besoin. La téléexpertise peut par exemple permettre de revoir des patients ayant une pathologie aiguë, qu’on ne voit plus faute de délais trop longs pour obtenir un rendez-vous et qui se dirigent donc vers les urgences.

En fait, je pense que pour mes confrères qui ont peur que la télémédecine soit un ajout de travail, il faut plutôt le voir comme une manière de le réorganiser. Quand on y pense, la téléexpertise a finalement toujours existé sauf qu’on échangeait par e-mails ou par appels téléphoniques. Maintenant, on a la possibilité de le faire dans un cadre définit, légal et qui nous permet de coter facilement ces actes. Il ne s’agit donc pas de rajouter des plages horaires dédiées à la télémédecine dans son emploi du temps mais plutôt de le réorganiser.

 

 

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